Après la visite de la capitale de l’Alaska, nous remontons doucement vers le Canada, pays pour lequel nous disposons d’un permis de travail valide : comme les chercheurs d’or en 1898, notre route passe par Skagway.
Ferry de Haines à Skagway
Deux solutions existent pour rejoindre Skagway depuis Haines : par la route, 560 km et deux traversées de frontière Canada/USA, ou par la Alaska Marine Highway, la compagnie d’État qui gère les ferries desservants les communautés de l’Alaska : prévoir 1 heure et 132$. C’est évidemment cette seconde option que nous choisissons.
Si la remontée du canal Lynn ne dure qu’une heure, il nous est demandé de nous présenter à l’embarquement 2 heures avant. Jamais nous n’aurons vu embarquement plus laborieux dans un ferry, et nous finissons par comprendre pourquoi : l’entrée sur le M/V Hubbard se fait sur le coté, et les énormes RV (des campings car de la taille d’un bus) doivent donc manœuvrer d’avant en arrière.
Skagway
La ville historique de Skagway est organisée autour de Broadway, la rue parallèle à l’artère principale State Street. Comme à Juneau, le nombre de boutiques de bijoux est impressionnant. Pourquoi ? On ne sait pas trop, sauf à imaginer que le croisiériste moyen achète des bijoux à gogo ! Car la ville vie désormais du tourisme : si Skagway n’est plus un point de passage obligé pour partir vers l’or du Klondike, il s’y trouve tous les jours au moins deux paquebots de croisière amarrés à quai.
Un ressenti assez bizarre nous assaille : la ville est joli, nichée au creux du fjord, avec un petit coté historique. Mais on ne s’y sent pas à l’aise, allez savoir pourquoi ! Tout cela semble un peu surfait aujourd’hui, et la réappropriation des bâtiments historiques par les bijouteries un brin malsaine. Il y a un certain charme, mais il manque un peu de cette relative authenticité qu’on avait trouvé à Dawson !
C’est en voulant faire les courses que l’on s’interroge sur les modes de vie des locaux : non seulement, tout est hors de prix dans le seul commerce de la ville, mais en plus le rayon légumes est quasi inexistant.
Pour se dégourdir les jambes
Une randonnée part de chaque côté de la ville. À l’ouest, c’est vers Yakutania Point et Smuggler’s Cove : compter environ 30 minutes de marche en prenant son temps. À l’est, on grimpe à travers bois vers Lower Dewey Lake : au passage, la montée offre une vue sur la ville et sur le port. Cela nous donnera le privilège de voir, de loin, le Big Idaho Potato Tour : la reproduction d’une patate géante qui parcours les États-Unis sur un camion. Et elle a ses fans !
Porte d’accès à l’or du Klondike
Le musée du Visitor Centre est plutôt bien pensé. L’exposition, concise, nous plonge vers la toute fin du XIXè siècle, en pleine ruée vers l’or… On y comprend l’essentiel de la vie des chercheurs d’or venus ici dans l’espoir d’une vie meilleure. Les visiteurs qui le souhaitent peuvent s’attacher à la vie de certains personnages, comme cette petite fille de 9 ans venue avec son père et sa tante…
En juillet 1897, la nouvelle sort dans tous les journaux : de l’or a été trouvé au Klondike. Ce fut le déclencheur qui vit des dizaines de milliers de chercheurs d’or débarquer à Skagway. Ce n’était que le début de leurs déboires : il leur restait pas moins de 800 km à parcourir jusqu’à Dawson City. Pour la grande majorité le trajet passait par l’intérieur des terres. Les plus fortunés, quant à eux, préféraient la voie maritime qui les menaient à St. Michael, dans la Mer de Béring, avant de remonter le fleuve Yukon -lorsqu’il n’était pas gelé.
Une fois rendus à Skagway, les futurs mineurs devaient choisir l’un des deux itinéraires connus : le Chilkoot trail, ou le White Pass Trail. Si le Chilkoot était le plus court, il était aussi bien plus ardu et sujet aux avalanches. En outre, il était quasi-impossible pour les chevaux d’y passer. Le White Pass avait pour lui d’être plus plat et de permettre aux animaux d’y porter les charges. Mais il devenait impraticable si la pluie devenait trop forte. Après un hiver particulièrement vigoureux, Il fut surnommé le Deadhorse trail, « le passage où mourraient les chevaux », car peu d’animaux y survécurent.
There ain’t no choice. One’s hell. The other’s damnation.
Mont Hawthorne, chercheur d’or, Mont Hawthorne’s Story, 1948
Le portage de charge pouvait démultiplier la longueur du voyage. En effet, pour éviter une potentielle famine, le Canada interdisait le passage de la frontière à quiconque ne portait pas sur lui le nécessaire de vivres pour tenir une année entière ! Imaginons un instant le poids d’une année de boites de conserves, en plus du matériel nécessaire à la quête de l’or. Même en tirant des traineaux, les portages sur les sections abruptes demandaient plusieurs aller-retours.
Une fois passés ces premiers obstacles jusqu’au Lac Linderman, les infortunés devaient se mettre à la construction d’une embarcation pour remonter « les rapides de White Horse ». Manque de chance, au printemps 1898, les malheureux durent attendre de longs mois la fonte des glaces sur le fleuve Yukon. Un campement improvisé de 12 000 à 15 000 personnes pris alors place aux abords du lac.
To begin with, the great majority of the boats are being built by men who have never built boats in their lives before. They are to be manned and navigated, ine the majority of cases, by men who have never been in a boat in their lives before.
Flora Shaw, correspondante du Times of London à Lake Bennett, juillet 1898
Pour simplifier l’accès, la construction d’un train jusqu’à Whitehorse a été entreprise: La White Pass & Yukon Route, d’où il devenait possible d’embarquer sur des navires. Malheureusement, à sa mise en service en 1900, la ruée vers l’or était presque terminée.
Si, pour tous ces chercheurs d’or et parfois leurs familles, la ruée vers l’or du Klondike fut une aventure inoubliable, elle eut des conséquences énormes pour les peuples autochtones. En plus d’amener des maladies nouvelles, les chercheurs d’or n’avaient que faire de leurs terres ancestrales, et les traitaient souvent comme des inférieurs. Il leur devenait alors indispensable de faire un choix pour s’adapter et survivre face à cette réalité nouvelle : s’enfermer dans leurs villages séculiers pour certains, travailler comme porteurs pour beaucoup, ou même devenir chercheurs d’or pour quelques rares d’entre eux.
Avant la sortie, le musée nous montre quelques impacts de la ruée vers l’or dans la culture populaire. Outre l’origine de la fortune d’oncle Picsou lui-même, nous sommes attirés par la diffusion d’un extrait de 5 minutes du film de Charlie Chaplin, The Gold Rush, réalisé en 1925.
Quant à nous, c’est le White Pass que nous emprunterons pour retourner au Yukon. White Pass qui, depuis 1978, dispose de sa route revêtue en parallèle de la ligne de chemin de fer. L’ère moderne nous permet d’éviter bien des embûches !
Pour que les chercheurs d’or trouvent de l’or, il fallait bien qu’il y ait des bijouteries. C’est normal qu’il y en ait autant, voyons. Reflechissez un peu ! 😂