Retour en Saskatchewan !
En venant des USA, il nous faut passer le poste de douane de Monchy. Très peu de passage ici, d’ailleurs la douane opposée, pour entrer aux USA, est tout bonnement fermée le week-end. En ce samedi, on l’a échappé belle de voyager dans le bon sens, évitant un léger détour de 2h30 ! Forcément, le douanier pose plusieurs questions et cherche à comprendre tout notre périple. Malgré ça, on passe assez rapidement.
Val-Marie
Val-Marie, petit village de 120 habitants, ne se trouve qu’à 30 km de la frontière. Exceptée la route SK-4 qui traverse le village, aucune n’est revêtue. En y déambulant un instant à pied, petits souvenirs de Dawson, Yukon, avec une toute autre ambiance quand même ^^ (et une toute autre taille de village également !). Outre un camping, il dispose quand même d’un petit commerce (fermé le week-end), d’une sorte de station essence, et d’une église à vendre (intéressé.e ?).
Le Parc National des Prairies / Grasslands National Park
Aujourd’hui, quand on pense aux provinces des Prairies canadiennes, on pense avant tout aux champs cultivés à perte de vue. Pourtant, la Prairie originelle est bien loin de cette image ! Il faut dire que l’écosystème des Prairies est aujourd’hui l’un des plus menacé au monde. En Saskatchewan, seulement 6% à 17% (selon la source) du territoire de prairie mixte est encore proche de son état naturel. C’est là qu’intervient la création du Parc National des Prairies dans les années 1980. Les achats de terres étant fait à l’amiable avec les propriétaires terriens, le parc n’est toujours pas aujourd’hui dans sa configuration définitive : environ 60% des terres espérées ont été acquises à ce jour.
Le Parc National des Prairies est le lieu de résidence de plusieurs colonies de chiens de prairie à queue noire. Il est le dernier endroit où cette espèce vit dans son environnement naturel !
Les bisons, espèce emblématique des Prairies et des Grandes Plaines américaines, ont été réintroduits en 2006 dans le parc, après 120 ans d’absence. On l’a déjà dit lors de notre passage précédent dans le Manitoba et en Saskatchewan, mais on comptait au bas mot 30 millions de bisons avant l’arrivée des Européens. Chassés d’abord pour leur fourrure, puis massacrés parce qu’ils piétinaient les cultures, ils ont frôlé l’extinction avec quelques centaines d’individus. Le parc régule aujourd’hui une population d’environs 500 têtes.
L’on apprend que la prairie mixte est un véritable écosystème composé de multiples espèces de graminées, dont 10 espèces principales. Le chien de prairie joue un rôle phare dans cet écosystème : non seulement leurs terriers sont utilisés par de multiples autres espèces, mais leur action de fauchage des plantes est favorable à de nouvelles pousses. Évidemment, il servent aussi de nourriture à certaines espèces carnivores.
Les secteurs Est et Ouest du Parc National étant distant de quelques 180 km, nous nous concentrerons d’abord sur le Bloc Ouest à partir de Val-Marie, puis passerons quelques heures dans le Bloc Est avant de prendre la route du « retour » au Québec.
À la découverte du bloc Ouest
Avec la fermeture du sentier de la Butte-70 Miles, nous devons en trouver un autre à parcourir. Notre choix se porte sur le sentier de Broken Hills, d’une longueur de 11 km. Ce faisant, la route est longtemps commune avec le balisage « Écocircuit » du Parc, qui permet de découvrir divers aspects des Prairies à travers 7 points d’arrêts : d’une pierre deux coups !
Les arrêts de l’Écocircuit nous permettent d’observer deux colonies de chiens de prairie à queue noire, ainsi que deux anciens ranchs. En premier lieu, on verra des vestiges du Ranch 76, sucess-story des années 1880 dont les propriétaires avaient jadis érigés 10 ranchs de 4000 hectares chacun. Le déclin est venu en 1908, alors que la loi mis fin aux pâturages extérieurs, enfonçant le clou d’un hiver si rude que les 2/3 du cheptel périrent. Plus loin se trouvent des restes de baraquements du homestead de Walt Larson. Ce dernier fut le tout premier propriétaire à vendre ses terrains en vue de la création du Parc National. Lorsqu’il s’installa, en l’absence d’arbres dans les prairies, il dût construire ses premiers bâtiments en terre avec des toits de chaume et de mottes de gazon. Malgré des sols pauvres et un climat semi-aride qui ont vu nombre de colons renoncer, lui persista. Ce n’est que plus tard que l’on inventa les engrais et l’irrigation, transformant à jamais le visage de la Province…
Pour la randonnée, ce sera sous un ciel nuageux, et vent fort typique des Prairies. A priori pas terrible pour la mise en valeur des couleurs, mais finalement pratique : puisqu’il n’y a aucun arbre dans la prairie, les températures dépassent rapidement les 35°C lorsque le ciel est dégagé. Avec la recommandation de porter un pantalon qui couvre les mollets pour réduire les risques de morsures par les serpents à sonnette et celui d’emporter 1 L d’eau par heure, finalement, on est mieux ;).
Le sentier Broken Hills / Collines Broken en lui-même est un brin long pour les paysages de la saison. Si l’on découvre différentes espèces de plantes, des collines, et une vue d’ensemble sur la vallée de la rivière Frenchman, les 3 derniers kilomètres sont plutôt monotones.
Car forcément, en cette fin août, les paysages ne sont pas ceux qu’on aurait eu en juin. La prairie verte et en fleur, on se dit que ça doit être quelque chose !
On reprendra le lendemain une courte randonnée de 4 km : proche de Val-Marie, le sentier Two Trees / Deux Arbres nous fait monter quelques buttes où diverses espèces de graminées se partagent le territoire. Le silence absolu n’est troublé que par le bruit du vent et, au loin, des oiseaux. Quiétude.
La route SK-18
La route 18, reliant le Bloc Ouest au Bloc Est, traverse quelques hameaux agricoles dont les deux plus gros sont Mankota et Glentworth. Étrangement, ces deux villages ainsi que Val-Marie ont une « Railway Avenue ». Nulle trace de rail pourtant ! Peut-être avant que leur population ne soit divisée par 4 ?
Quoi qu’il en soit, on retrouve la Saskatchewan qu’on avait rapidement traversée voilà 2 mois : des champs à perte de vue. La moindre petite butte offre des vues sur des kilomètres d’étendues agricoles, où seules vaches, silos et cabanons s’élèvent.
Même si elle est revêtue, contrairement aux allées d’accès au Parc National, la route elle-même est patchée de partout et relativement défoncée. Les services sont quasi-inexistant, excepté un hôtel à Glentworth et un camping à Wood Mountain. Attention à bien gérer son essence ! Il faut dire qu’avec seulement 20 000 visiteurs par an, le Parc National des Prairies est loin d’établir des records de fréquentation !
Le bloc Est
Même si nous n’avions initialement pas prévu de nous arrêter au Bloc Est, il nous est arrivé une chose particulière un matin : on ne savait absolument pas par où continuer notre périple retour ! Alors, pourquoi ne pas s’arrêter ? 😉 Heureusement, la faible fréquentation de la région autorise de débarquer dans les campings sans réservation, même en plein mois d’août -du moins en semaine.
Ayant campé à Wood Mountain, il reste environ 40 km à parcourir jusqu’au bloc Est du parc, dont 19 km de route en gravier.
Nous débutons la découverte par la route Badlands Parkway. 11 km de route avec 6 points d’arrêts offrant des vues sur ces paysages de Badlands. Si ceux-ci peuvent sembler moins impressionnants que les Badlands de l’Alberta, ils n’en sont pas moins surprenants. Ici aussi, des fossiles de dinosaures ont été mis au jour. Parmi eux, 3 squelettes de tricératops nous apprennent que cette espèce fréquentait abondamment la région. Les Badlands de la Saskatchewan sont connus des géologues pour la nette visibilité de la limite K-Pg, la couche de 2 à 3 cm d’épaisseur qui marque clairement la limite entre le Crétacé et le Paléogene. Cette couche d’argile rosée contient de l’iridium, un minerai inexistant sur Terre. Pour nous autres simples passants, on y voit seulement la fine veine noire de charbon juste au-dessus.
C’est donc en début d’après-midi et, cette fois, sous un soleil de plomb que nous débutons la randonnée de la Vallée 1000 Devils. Avec un nom pareil, on s’attend à tout un programme ^^. Les 11 km de sentier nous mènent de la prairie mixte aux paysages escarpés des badlands. On confirme qu’il faut bien emporter assez d’eau, avec 2,5 L chacun ont a été un peu juste pour cette randonnée de 3h30 sans ombre. Heureusement, le vent, les sons des insectes, et les paysages inhabituels nous ont convaincus !
Résultat : à 17h30, plus trop d’autre choix que de dormir sur place, au camping du Parc National. Malgré l’absence de douches, il y a l’eau potable, et nos seules deux autres options sont de revenir sur nos pas, où continuer 3h30 de route…
Afin de préserver l’écosystème fragile de la prairies mixte, le camping est installé sur la place d’un ancien ranch : en effet, avec environ 1% du parc qui n’était plus dans son état originel, autant utiliser ces espaces !
Quand on voit ces étendues arides et aux herbes rases, on n’imagine pas que la prairie grouille de vie ! Il suffit pourtant de s’arrêter entre les sauterelles et d’écouter pour entendre les milliers d’insectes bourdonner, fredonner, voler… sous le regard vif des oiseaux et autres chiens de prairie ! En regardant de plus prêt, on constate que, bien loin d’être des prés d’herbes sèches, de dizaines d’espèces de graminées se partagent les lieux. Et on en compte plus de 70 dans le parc, dont 10 dominantes.
En quittant la Saskatchewan…
En quittant le Bloc Est, passé les 20 km de route de gravier retour, la prairie naturelle cède rapidement la place aux champs cultivés. Nous continuons sur la route 18 vers l’Est. Toujours très rurale, elle passe quelques petites communautés agricoles et permet de découvrir la Saskatchewan éloignée des grands axes. Abstraction faite des centrales électriques et de leurs cheminées, la région déroule sous nos yeux une esthétique certaine, ou plutôt inhabituelle jusqu’à Estevan -et pourtant, les champs cultivés, en plaine d’Alsace on connait bien 😮 . On retrouve les Railway avenue, qui cette fois amènent bien aux voies de chemins de fer, sur lesquelles des dizaines de wagons attendent à proximité des silos à grains.
Passé Estevan, ville d’un peu plus de 10 000 habitants vivant essentiellement de l’exploitation du charbon et des énergies fossiles, la route devient monotone et, disons-le, pas bien jolie. Et l’on passe rapidement la frontière avec le Manitoba, laissant derrière nous la Province de Saskatchewan qui a bien plus à offrir…
Non, vraiment, on ne s’installera pas en Saskatchewan, mais cette Province mérite amplement qu’on y consacre davantage de temps que simplement la traverser par la Transcanadienne ! (Avis à ceux qui roule de Montréal à Vancouver en 4 jours).
Assez peu convaincu par cette région qui semble bien monotone ! Dommage, j’aurais bien acheté la petite église 😉