Blanc-Sablon, municipalité la plus à l’est du Québec… et donc toute proche de la province voisine de Terre-Neuve-et-Labrador, et surtout du Labrador voisin. Peuplé de seulement 27 000 habitants pour une densité de population de 0,09 hab/km2, bienvenue au pays du calme (enfin, sauf pour les pick-ups à profusion)…
Passant la frontière, la route QC-138 devient la route NL-510, début du circuit parfois appelé Expedition 51 qui va ensuite jusqu’à Baie-Comeau au Québec via la route 500 (Labrador) puis 389 (Québec). Sur 1 700 km, plusieurs (longues) portions sont encore en gravier. Pas pour rien qu’on est venu en bateau… mais peut-être à faire en fin de printemps à une prochaine occasion !
On a beau être au Québec sur le papier, la langue majoritaire à Blanc-Sablon et ses environs n’est plus le français. C’est bien l’anglais qui domine spontanément dans les commerce, et la population est soit anglophone, soit bilingue. Les habitants sont souvent tournés vers la province voisine. Après tout, c’est à Terre-Neuve que se situe l’hôpital le plus proche, et c’est via Terre-Neuve que transite une partie des produits.
Autre changement : l’heure ! La majeure partie de la province de Terre-Neuve-et-Labrador est en avance de 1h30 par rapport au Québec. Résultat, à l’instant où nos cellulaires pognent le signal du Labrador, on se retrouve en plein après-midi, alors qu’on quittait Blanc-Sablon en fin de matinée ! Pas très pratique, mais géographiquement cohérent 😉
La plupart des villages du secteur furent fondés par les Basques au XVIè siècle, alors que la chasse à la baleine battait son plein. La transformation de la graisse de baleine en huile se faisait sur place, puis l’huile était envoyée vers l’Europe contre une petite fortune : un seul navire pouvait transporter jusqu’à 225 000 litres, pour une valeur représentant l’équivalent aujourd’hui de 4 millions de $. Des deux cotés de la frontière provinciale, ces villages vivent toujours majoritairement de la pêche, heureusement plus aux cétacés.
Blanc-Sablon
Mais tout d’abord, petite déambulation dans Blanc-Sablon (1 200 habitants), et plus précisément dans le village de Lourdes-de-Blanc-Sablon, le plus grand des trois qui composent la municipalité de Blanc-Sablon (avec Brador et le bourg de Blanc-Sablon).
Un village aux airs de bout du monde, qui nous rappelle Ushuaïa sur certains aspects. Les maisons sont souvent posées sur de fines dalles de béton qui, au gré des mouvements, ne sont plus bien droites les unes par rapport aux autres. Notre gite penche d’ailleurs d’un coté, et ce n’est pas la descente du bateau qui arrange notre sensation d’équilibre 😉
Deux minutes de marche suffisent à atteindre le sommet de Cape Crow. C’est là que le sanctuaire Notre-Dame de Lourdes veille sur la baie et le détroit de Belle-Isle. La vue est majestueuse en cette saison où les plaques de glace alternent avec les zones bleutées. Seule la vive verdure est encore absente.
L’Anse-Amour et le phare de Point-Amour
Première excursion du coté du Labrador : le phare de Point-Amour, situé à proximité du village de l’Anse-Amour. Construit en 1857, haut de 33 m, c’est l’un des plus haut phares du Canada. Les anciennes résidences du gardien, de l’assistant-gardien et un bâtiment abritant la corne de brume s’y sont progressivement ajoutées. L’ensemble est fermé à la visite en cette saison, mais la majesté du site est bien là.
En contrebas repose des restes de l’épave du HMS Raleigh, navire de la marine britannique échoué en 1922. Après avoir récupéré ce qu’ils ont pu, ils ont préféré faire exploser le navire sur place en 1926. Aujourd’hui, des morceaux sont éparpillés tout autour, et malgré un chantier de déminage dans les années 2000 il est toujours recommandé de ne toucher à aucun objet au sol.
Labrador Coastal Drive en direction de Red Bay
Nous poussons notre incursion dans le Labrador jusqu’à Red Bay. Compter environ une heure depuis Blanc-Sablon pour parcourir ces 80 km par la route 510, dite Labrador Coastal Drive.
La route panoramique longe tantôt des lacs, tantôt des baies. Les reflets bleu ciel sur les lacs dont la glace est en train de fondre sont saisissants. Les abords de la rivière Pinware et du lac de Country cat Pound mériteraient d’ailleurs sans doute plus d’attention.
Nous stoppons à Red Bay, village d’un peu moins de 200 habitants niché comme son nom l’indique au bord d’une baie, entourées par les îles de Saddle Island et la petite Penney Island. Au XVIè siècle, la localité fut un important point de départ des expéditions de chasse à la baleine par la communauté Basque implantée dans la région.
Le village est petit, mais on peut y déambuler une heure sans se lasser. Ici aussi on est reculé, à 600 km de Happy-Valley-Goose-Bay, la plus grande ville du Labrador (8 100 habitants).
Découvert par hasard de l’autre coté de la baie, le sentier Tracey Hill Trail fait face au village. Le parcourir est un total enchantement. Il ne faut pas se laisser décourager, ni par les 689 marches (qui se font assez bien), ni en ce mois d’avril par les 100 premiers mètres où l’on s’enfonce dans la neige jusqu’aux genoux à chaque foulée : très vite, la passerelle en bois fait son job et la vue devient superbe. Le village, la baie, les îles d’un coté, et même la côte de Terre-Neuve plus loin de l’autre coté… Au sommet du sentier, la vue devient juste splendide, saisissante et reposante à la fois. Nous restons là un bon moment à profiter de la lumière alternante lors des courts passages nuageux.
Il est ensuite possible de prolonger par le court sentier attenant Boney Shore Walking Trail, qui mène après 5 minutes de marches à des os de baleines qui gisent sur la plage depuis 400 ans.
Coté Québec jusqu’à Vieux-Fort
Le coté québecois de la frontière n’est pas en reste. La route 138 qui mène de Blanc-Sablon à Vieux-Fort sur 65 km est aussi majestueuse que sa prolongation au Labrador. La municipalité de Bonne-Espérance (700 habitants), qui regroupe Middle Bay, Rivière-Saint-Paul et Vieux-Fort, est logée au bord du plusieurs anses et baies du coté du golf du Saint-Laurent, et parsemée de petits lacs coté terre. Seul regret, les aires aménagées pour se stationner et profiter des lieux sont rares. Peu de sentiers de randonnée, il faut marcher sur la route ou s’aventurer au hasard dans les espaces à perte de vue.
Le village de Brador fait encore partie de la municipalité de Blanc-Sablon. Un sentier difficilement praticable, à proximité d’une chute d’eau à la sortie du village, mène à un lac et permet de prendre un peu de hauteur.
Les vues autour du bourg de Middle Bay en particulier sont envoutantes : les couleurs bleues ciels de l’eau et de la glace mélangée, les découpage du rivage, la végétation au sol (toundra).
À Vieux-Fort, nous sommes abordés (en anglais, évidemment) par un résident, qui reconnait que la vue depuis sa maison est splendide. Il n’a pas vu de touristes depuis un moment dirait-on ! Lorsqu’on lui demande si le fait d’être à l’écart n’est jamais dérangeant, il nous répond simplement qu’il peut aller à Toronto par la route Trans-Labrador ! (Il reconnait quand même que les 200 km de portion sans asphalte lui coûtent un pneu à chaque fois et qu’il préfère maintenant prendre le bateau ^^).
À la sortie du village, le sentier Granny Hill Trail permet, sans l’emprunter en entier, d’accéder à un point de vue intéressant. Il faut simplement passer outre le fait que ce soit avant tout un sentier de quad, prévoir donc un revêtement neigeux/boueux et une marche peu joyeuse d’un point de vue technique.
Pas de panneau de fin de route à Vieux-Fort comme sont équivalent à Kegaska, et pour cause : c’est ici que commence « La Route Blanche », qui, au cœur de l’hiver, s’en va jusqu’à Kegaska. Prévoir quand même 460 km… « pour motoneigistes expérimentés seulement ». « Au fil des hivers, le tracé de la Route blanche peut varier en fonction des obstacles rencontrés (lacs et rivières) et des conditions climatiques. » (source).
N’ayant pas de motoneige 😮 , nous opterons plutôt pour le demi-tour et le retour à Lourdes-de-Blanc-Sablon, avant notre départ prochain pour Terre-Neuve par le traversier du détroit de Belle-Isle. 4 jours n’étaient vraiment pas de trop pour profiter de cette partie reculée de la Basse-Côte-Nord du Québec et du sud-est du Labrador. Pour une sensation reposante loin des foules… mais jusqu’à quand ? Les travaux de prolongation de la route 138 avancent un peu plus chaque dizaine d’année… !
Paysages enchanteurs, ambiance onirique. Quelle belle aventure !
Mais what !
Big Bisous 😘